La plupart des polyamoureux se délectent des émotions exaltantes qui accompagnent le début d’une nouvelle relation. Mais lorsque ces sentiments vascillent, cela peut être effrayant, car on peut se demander si toute la relation est en cause. Le fait est que les sentiments sont volages et disparaissent sans préavis. C’est effectivement un problème si on se dit que l’amour, c’est ca :
Et qu’on oublie, que l’amour c’est aussi ca :
Les émotions varient, l’Amour reste
Ce couple de vieux, si ca fait, disons, 60 ans qu’ils sont ensemble, je crois qu’ils s’aiment d’une manière qu’on ne peut même pas imaginer. Mais quelque chose me dit qu’il a aussi du y avoir des moments où leurs sentiments sont disparus. Où la vie était stressante, où plein de raisons leur faisaient temporairement perdre les papillons, voire des moments où l’autre leur a franchement tapé sur les nerfs. Est-ce que ca veut dire qu’ils ne s’aimaient plus?
L’Amour, entre sentiments et engagement
Au début d’une relation, les sentiments sont le moteur qui font bouger. Les sentiments sont la raison qui font qu’on est ensemble. Ils sont la colle qui tient tout ca ensemble. On pourrait dire que c’est du teenage love.
Mais après un moment, il faut d’autres raisons, plus solides, car les sentiments vont vasciller, ou seulement se transformer, et la relation ne tiendra que s’il y a des racines plus solide à la base de la relation.
À certains moments, c’est l’engagement que les partenaires ont l’un envers l’autre qui va tenir tout ca ensemble. Ça demande de passer à une forme d’amour plus adulte, qui ne dépend pas seulement des émotions et de ce qui nous tente dans l’immédiat, mais également de l’effort qu’on est prêt à y mettre.
Le coeur a ses raisons
C’est pourquoi il faut pouvoir se demander rationnellement pourquoi on est avec tel ou tel partenaire, en dehors des sentiments. Quelles sont les raisons objectives qui font que je l’aime? Si c’est parce qu’il est tendre, aventureux, dévoué, intelligent ou drole (peu importe, les raisons varient d’une personne à l’autre en fonction de ce qui compte pour elle de trouver chez un partenaire), il l’est tout autant les jours où l’on ne ressent rien. Il n’a pas perdu ces qualités-là parce qu’un matin je me lève et que sa tête me revient pas. Quand on connait les RAISONS pour lesquelles on a choisi d’être avec quelqu’un, il est bien plus facile de passer à travers les moments où les émotions amoureuses se sont volatilisées. Si, par contre, on n’est avec une personne QUE pour les sentiments qu’on éprouve envers elle, que reste-t-il les jours où les sentiments disparaissent?
Les saisons de l’Amour
Dans le très célèbre Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus (sans lequel je n’aurais jamais pu réussir mon mariage qui dure depuis bientôt 20 ans!) on mentionne que le sentiment amoureux, comme la nature, a ses saisons. Si on continue de s’investir envers nos partenaires même quand le sentiment amoureux nous fait faux-bond, il va revenir tout seul. Après l’hiver, il y a toujours un printemps où tout renait. Il y a aussi l’été où il faut travailler fort pour enlever les mauvaises herbes dans la relation. Et l’automne où l’on récolte les fruits de son travail et où c’est l’abondance. Les sentiments fluctuent. Il ne faut pas s’en inquiéter!
Il n’y a pas lieu de se sentir coupable si l’on n’éprouve aucun sentiment amoureux ou passionnel envers son partenaire pendant un moment. Toutefois, cela ne doit pas être une excuse pour traiter nos partenaires avec moins de dévouement ces jours-là! Le respect, la délicatesse, la communication et le don de soi sont toujours de mise, sentiments ou pas.
L’oeuf ou la poule?
Si au début d’une relation, l’intensité des sentiments amoureux font qu’on a envie d’investir son temps et son énergie auprès d’une personne, plus tard dans la relation, ça devient le contraire : c’est parce qu’on s’est investi auprès de cette personne qu’on éprouve des sentiments amoureux. Ou, comme le disait le Renard au Petit Prince :
« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante »
Je serais intéressée de savoir ce que vous en pensez. Laisse-moi vos commentaires!
Menez
31 juillet 2020 at 11:09Merci pour ce texte qui donne du sens à l’anour Qui dure ….
pascal
27 mai 2020 at 04:59Bonjour Hypatia,
merci beaucoup pour ce texte apaisant face à la météo changeante de nos désirs.
J’aime beaucoup cet appel à la patience et à la liberté de la relation et à la confiance dans la relation et la responsabilité de chacun sur cette relation. Mais oui en acceptant bien sûr que la relation puisse se transformer jusqu’à la rupture et alors garder sa stabilité et sérénité est difficile mais possible et même plus que souhaitable puisque c’est bien elle qui est au coeur de notre être.
Quelques remarques néanmoins pour essayer de préciser les difficultés en utilisant plutôt les termes de désirs, passion pour les émotions « volages » et le terme sentiment pour le fondement plus durable de la relation…
Si avec un peu d’attention et de lucidité nous apprenons tous à voir les variations du désir et des autres émotions en nous, il est plus inquiétant de les observer chez son conjoint… Peut-être parce que chacun essaie de limiter l’expression de ces variations à l’extérieur pour respecter l’autre et réduire les instabilités relationnelles.
Je pense aussi que le polyamour ouvre la place au mental pour raconter l’histoire que si je ne suis plus l’objet du désir du conjoint alors qu’il souhaite le vivre avec un autre c’est que la météo interne du conjoint n’est pas en cause mais c’est plutôt la relation entre nous. Je trouve cela assez rationnel, non? Si la question est légitime, il faut accepter de ne pas y répondre, d’accepter l’incertitude, d’en profiter pour regarder, ressentir les sentiments présents et en rester aux faits réels, aux signes rassurants que le conjoint devrait nous envoyer pour nous aider et pour nourrir la relation différemment (?).
Dernière remarque, dans le polyamour, chaque relation sentimentale se développant à sa vitesse, et souvent sur des échelles de temps assez longues, cela induit des variations relationnelles assez différentes de la météo émotionnelle souvent rapide que nous connaissons. Nous sommes habitués aux variations journalières un peu aléatoires, hebdomadaires du rythme professionnel par exemple, mensuelle bien sûr et saisonnier. Mais j’ai l’impression que les variations du désir en polyamorie sont aussi dépendantes des autres relations et cela doit nous apprendre l’humilité de ne pas être capable de le contrôler ni d’en être l’unique responsable… et de « se foutre la paix » comme dirait Fabrice Midal.
A.
17 novembre 2017 at 16:53Bonjour Hypatia, et merci pour ce texte très intéressant, encourageant et même rassurant. (Comme l’est l’ensemble de votre blog!).
Puisque vous évoquez la perte possible de sentiments, dans le cas d’une rupture amoureuse, comment fait-on pour gérer un coeur brisé dans un cadre polyamoureux? J’essaie de me reconstruire et d’aller de l’avant en ayant régulièrement beaucoup de tristesse, et c’est mon compagnon qui assiste à mon état et me soutient. J’évite de lui parler trop explicitement de la raison de ma peine pour le préserver, même si j’ai pu en parler un peu tout de même une fois ou deux (il est formidable et très compréhensif). Comment se remettre d’une peine de coeur douloureuse, quand on s’est beaucoup investit et que tout s’est effondré soudain? :/
Bonne continuation
Hypatia
18 novembre 2017 at 08:24La section Ruptures et Transitons de mon blogue comporte quelques articles à ce sujet. Je vais essayer de publier un peu plus sur le sujet : beaucoup de ruptures autour de moi ces temps-ci 🙁
Ivy
8 mai 2017 at 12:51Très bon texte, qui rappelle l’importance de s’investir dans une relation si l’on veut qu’elle dure longtemps et que même dans les moments moins « passionnés », il faut continuer de se respecter et se rappeller les raisons qui nous ont fait désirer cette relation. Après 11 ans en couple, à-travers journées ensoleillées et tempêtes, à chaque jour on choisit de continuer notre périple et d’expérimenter ensemble la vie.
Le ENR est enivrant et excitant mais l’espèce de tranquillité d’esprit qui vient avec une relation à long terme m’est encore plus nécessaire.
Hypatia
9 mai 2017 at 05:16Absolument! J’ajouterais même que quand on est en couple mono, parce que le côté passionnel peut venir à tiédir, on peut avoir tendance à surestimer ce qui nous manque et penser que la chose la plus importante dans notre vie, c’est la passion. Par contre, quand on a plus d’un partenaire et que la passion se fait abondante, on est plus en mesure d’évaluer la valeur de l’ÉNR, sans gonfler l’importance de ce que ca apporte dans notre vie. Et ultimement, on réalise que tomber amoureux avec une nouvelle personne, c’est quelque chose qu’on peut vivre 5 fois par année, alors que rencontrer quelqu’un avec qui on aura envie de passer 11 ans de soleil et de tempêtes reste, sommes toutes, une rareté.
nini
7 mai 2017 at 15:27Je trouve ton texte très intéressant, d’autant plus que je sors d’une relation intense et que j’en reviens au besoin de complète liberté. Il me semble quand dans des relations polyamoureuses, d’autant plus celles où on ne partage pas le quotidien, ou les responsabilités monétaire d’un logement partagé ou d’une famille commune, il importe d’autant plus de savoir clairement ce qui nous rattache à l’autre, pourquoi nous désirons entretenir cette relation. L’attirance du départ doit mener à autre chose pour que des racines profondes fasse tenir solidement la relation…